janvier 17, 2012

Carnet de Voyage #1 | Damas


Damas | City Guide
En ces temps de soulèvement en Syrie, voici mes souvenirs de ce pays "avant" le soulèvement populaire de Homs. Située au sud-ouest de la Syrie, à une trentaine de kilomètres avec le Liban, la ville de Damas est aussi la capitale du pays. Elle compte de nos jours plus de 4 millions d’habitants et est l’une des plus anciennes cités au monde. 

Damas fut fondée au 3ème millénaire avant JC ; au Moyen-âge, elle faisait vivre sa population grâce à son artisanat local, les sabres et la dentelle. Sa vieille ville est classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO et ses monuments n’ont pas été touché par le plan d’urbanisme nécessaire pour que la ville puisse s’agrandir et absorber son flot d’habitants. Cette ville était décrite par les poètes arabes anciens comme un « grain de beauté sur la joue du monde »… Lorsque les arabes sont arrivés au VII° siècle, ils ont été subjugués par Damas et sa grande Oasis, la Ghouta, si bien que nombre de poètes arabes ont dès lors qualifié Damas de « paradis terrestre ».


Avec son atmosphère d’Orient des mille et une nuits, Damas est une ville chaleureuse et bruyante où il est très plaisant de se promener et de discuter avec les artisans et les marchands. Arrivé en taxi de Beyrouth, mes premières impressions m’avaient fait l’effet d’un flot ininterrompu de taxis, voitures et camions brinquebalants, d’un tourbillon humain continu, d’un souk qui ne fermerait jamais. Cette ville grouille de vie. La foule de gens se mélange à un mouvement permanent de flux de voitures, de bruits de klaxon, des vendeurs ambulants, de taxis voulant arnaquer leur passager. Si l’on veut s’éviter les désagréments des disputes avec les chauffeurs de taxis, ou simplement un peu plus se mêler à la vie Syrienne, on peut toujours prendre un "service", ces petits minibus où l'on va joyeusement s'entasser à 10-15 dans 3m² ! Ils ont l’avantage d’être rapides et bon marché (de 5 à 10 livres la course), commodes aussi car ils s'arrêtent à la demande. Reste qu'embarquer dans l’un d’eux signifie qu’on connaisse l’itinéraire car le périple, cahoteux, est parfois erratique...



Damas | Sites remarquables
La Mosquée des Omeyyades se situe en plein cœur de la Médina, elle fut fondée en 705 après JC par le Calife Al Walid sur les fondations de l’Église Saint Jean le Baptiste, concédée par les chrétiens en échange d’une église flambant neuve. Elle abrite la tête de Saint Jean-Baptiste, relique vénérée par les chrétiens et les musulmans. Le minaret de Jésus est l’endroit, selon les croyances musulmanes, où Jésus Christ viendra combattre l’Antéchrist avant le Jugement dernier. Grand lieu de l’Islam oblige, les touristes payent, les fidèles ne payent pas, et les femmes se voient affublées d’une magnifique blouse à capuchon informe et de couleur indéterminée. Chaussures laissées à l'entrée évidemment, pas de soucis, le nombre est important, peu de risque qu'on vous les subtilise... L'entrée au détour d'une ruelle, ne préjuge pas de ce que l'on va trouver : l’édifice est vraiment à couper le souffle, le sol tout recouvert d'un marbre blanc dans lequel les visiteurs se reflètent ! Dans la cour de l’édifice s’élèvent de grandes arcades directement inspirées des palais impériaux byzantins, et certaines ont encore gardé leurs mosaïques en fond or, représentant des villes imaginaires et paradisiaques. L’intérieur de la mosquée est assez récent, puisqu’un grand incendie a tout dévasté au XIX° siècle. On peut encore voir certains restes datant d’avant l’incendie, ainsi que la tombe de Saint Jean-Baptiste, que les musulmans partagent avec les chrétiens. En effet, durant l’antiquité, l’emplacement était occupé par les païens, puis les byzantins y ont élevé une église pour laisser la place aux musulmans. Bien que la mosquée des Omeyyades soit un grand lieu du sunnisme, les chiites y viennent parfois pour y vénérer la tête de Hussein, principale figure de cette branche de l’Islam. 


Le Palais Azem : construit entre 1742 et 1752 par le gouverneur Assad Pacha El Azem, il est fait de pierres calcaires et de basalte. Vous pourrez y visiter le musée des arts et des traditions populaires. Vous aimerez vous promener dans ses jardins spacieux et arborés, agrémentés de fleurs odorantes et de jets d’eau. Cela reste un musée à l'ancienne, un peu obscur, un peu vieillot mais cela concoure à comprendre l'atmosphère décalée de la Syrie par rapport à la Jordanie ou au Liban... Un brin moderne (une partie de la population accédant à des modes de vie à l’occidental), un brin passéiste (des relents de totalitarisme facilement perceptibles), une sorte d'enclave... 


La Mosquée Tekkiyé Es Soulaymaniyé : c’est Suleyman le Magnifique qui fit construire ce couvent-mosquée en 1554. Dans les cuisines et le réfectoire du Tekkiyé, vous trouverez les collections du musée de l’Armée. La Madrasseh, école de théologie coranique que fréquentaient les étudiants se trouve juste derrière la mosquée. Vous pourrez également faire vos achats dans les boutiques d’artisanat damascène, juste à côté. 

Damas | Traditionnel

Si ce n’est la rue droite, reste déblayé par les ottomans du decumanus de la ville romaine, et le souq Hamidiyyeh, également tracé à la règle par les turcs lassés du plan anarchique du souq médiéval, la vieille ville correspond à peu près à l’idée qu’un occidental pourrait se faire d’une ville au Levant : rues sinueuses, parfois juste assez étroites pour s’y glisser, toujours des recoins qui échappent au brouhaha incessant des souqs...  Un certain charme se dégage de Damas puisque le centre historique a été assez peu restauré. On peut donc vraiment se faire une idée de ce qu’est l’orient, loin des images de cartes postales et des clichés, souvent faux, que l’on a avant de partir. La vieille ville est un véritable coffre au trésor. L’aspect de certaines rues paraît souvent peu engageant, pourtant il suffit souvent de savoir où pousser la bonne porte et de découvrir de véritables merveilles. La ville regorge en effet de multiples palais et caravansérail, et ceux qui ont été restaurés gardent leur cachet d’autant. Parfois restaurants, ou salons de thé, ils offre un moment hors du temps à qui saura les découvrir. 



Le souq des « locaux », à savoir le Souq Hamidiyyeh, jouxte la grande mosquée des omeyyades et son l’entrée n’est rien d’autre que le prolypée du temple de Jupiter.  On y trouve de tout, pour les femmes ont trouvera surtout de quoi agrémenter abayas, niqab, hijab et autres vêtements hyper glamour, mais également des sous-vêtements à faire rougir d’embarras certaines étrangères occidentales...



Les tissus sont une des traditions syriennes. Ils sont très prisés par les décorateurs et les grands couturiers occidentaux. 
Damas est surtout connue pour ses fameux brocarts. Hama est célèbre pour ses draps.
Alep est renommé pour ses foulards en soie et aux couleurs chatoyantes et évidemment pour son savon d'Alep, à base d'huile d'olive et de laurier, fabriqué par une quarantaine d'artisans.
La marqueterie : jeux, boîtes, cadres, chaises... , les nappes brodées, les narguilés, les objets en verre soufflé complètent un savoir-faire ancestral...




Damas | Gourmand

C’est dans le Souq Hamidiyyeh  que se trouve Bakdash, LE glacier de Damas. Il est à l’image de la ville, « victime » du flot incessant de monde qui se presse à ses portes (et surtout autour de ses cornets). La boutique est immense et rythme sa journée au son des employés qui battent la crème glacée et les pistaches. L’équipe est impressionnante, on voit aller et venir une légion de serveur, slalomant entre les clients affamés, maîtrisant parfaitement leurs plateaux remplis des précieuses coupelles. La prestation la plus connue de Bakdash, c’est en effet sa crème glacée aux pistaches pilées, un régal pour les sens. Une montagne de crème glacée, qui n’en finit pas de s’enrouler autour de la cuiller tant elle est élastique, ses pistaches fraichement pilée… Un véritable bonheur pour tout gourmand qui se respecte ! 

La Syrie est un pays où les anciennes coutumes et traditions sont restées très marquées, mais la production culturelle est assez impressionnante, et même si les centres culturels étrangers ont leur part dans l’activité de la ville, les productions et événements syriens y ont une part non négligeable. En effet, tant que l’on n’aborde pas les sujets qui fâchent, les syriens sont très expansifs, bavards et créatifs. Les boîtes de nuit ne sont pas autorisées au sens strict par le régime Syrien, on trouve donc des restaurants où, après 11h, on retire les tables et l'on se prête volontiers à la plus exubérante des fêtes nocturnes avec musiques orientales modernes. Halte aux préjugés, on y trouve de l’alcool, surtout dans les quartiers chrétiens où cela ne pose pas de problèmes. On pourra alors déguster de l’Arak, une espèce de pastis mais à la réglisse, les vins du Liban, syriens pour les plus courageux, ainsi que les bières locales, à savoir Al-Maza (libanaise) et la meilleure, Barada. La Barada c’est tout un concept : une bière qui ne fait pas de mousse...


Pour conclure, la Syrie était lors de ma visite en 2005 un pays ambivalent : à la fois dictature militaire avec une armée omniprésente et des sujets inabordables en public (même avec des amis proches par crainte de la police secrète) et à la fois un pays où régnait une atmosphère hors du temps, propice aux rencontres, aux discussions animées et joyeuses tant qu'on ne parlait pas de sujets sensibles. Qu'en restera t'il demain ?